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Ma vie, mon oeuvre
19 août 2005

S comme...

s comme SageS

Le saviez vous, madame, qu'avant même que vous vous en aperçussiez, nous avions changé de régime ? Longtemps vous crûtes vivre en une république où l'élection de son président au suffrage universel devait suffire à garantir son caractère démocratique, comme en Centre-Afrique ou en Russie. Et voilà qu'insensiblement, à la démocratie (pouvoir du peuple) se substituait une sophiacratie (pouvoir des sages).

Il ne vous a pas échappé que, depuis quelques temps, chaque fois que se présente un problème, on confie la recherche de sa solution à un conseil de sages dont les propositions ne sauraient être contestées par quiconque sans qu'il risque de passer pour fou, puisque, fruit de la réflexion des sages, elles ne peuvent être que la sagesse même. Si d'aventure se manifestait une opposition elle ne montrerait rien d'autre qu'un malentendu qu'il suffirait de quelques explications pour lever. Ainsi a-t-on supprimé la lutte de classe puisqu'il n'existe plus de conflit, tout au plus des déficits de communication.
Communication est le mot politiquement correct pour dire publicité quand on veut faire prendre aux citoyens des vessies pour des lanternes.

Pour que personne ne puisse la mettre en doute, la sagesse du sage doit être éclatante et bien passer à la télévision. On choisira donc les sages parmi les membres zéminents des zélites, plusieurs fois présidents, professeurs des Grandes Zécoles ou de quelques zuniversités zétrangères (de préférence zaméricaines), experts reconnus, spécialistes couronnés, scientifiques nobélisables, zologues de toutes zologies: psychologues, sociologues, politologues, sémiologues, phénoménologues, pataphysiquologues, zélés zélateurs des zidées zalamodes. Si, par hasard, le besoin se faisait sentir d'un artiste, il faudrait en prendre un tombé dans le bouillon de culture de Pivot, comme Obélix dans la marmite de potion magique. Le sage sera le plus souvent un homme, généralement d'un âge canonique, avec des revenus toujours supérieurs à plusieurs fois le SMIC afin de garantir sa crédibilité. Un sage pauvre ne serait qu'un pauvre sage sans crédit.

Parce que, sans doute faute d'être raisonnable, madame, vous vous montrez volontiers raisonneuse, vous m'objecterez peut-être que tout ce que l'homme a conçu de grand a été fais par des fous. Il fallait être fou pour faire la Sécurité Sociale en 1945 alors que les sages, tout en reconnaissant que l'idée en était généreuse, auraient représenté que l'état de la France la rendait irréalisable. C'était une poignée de fous qui se dressa en 1940 contre l'occupant nazi alors que le vieux sage Pétain recommandait aux Français de se résigner à l'inévitable. Et si l'on remontait dans le passé si haut qu'on peut remonter on découvrirait certainement qu'était complètement fou le premier anthropopithèque qui se dressa sur ses pattes de derrière et resta debout contre l'avis de ses congénères qui lui expliquaient patiemment qu'il serait plus sage de reprendre sa position première et de courber l'échine. Vous-même, madame, vous me semblez bien peu sage et je crois que c'est pour cela que j'ai la folie de vous aimer, comme celle, bien plus folle encore, de vous le dire.

Oscar Magnole

Publié dans "La Revue Commune" numéro 3 .de Septembre 1996

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Commentaires
M
S comme superbe :)
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