Sous le signe du sagittaire
Il me faut tout de même vous parler non pas de mon compositeur de chevet, je pense l'avoir déja fait, mais d'un disque de chevet ou, pour être le plus précis possible, de trois disques de chevet mais une seule oeuvre. Ce sont les Kleine Geistliche Konzerte de Heinrich Schütz.
Pour commencer, (re)situons ce brave homme dans le temps et
l'espace. Il est né en Allemagne en 1585 soit exactement cent ans avant
Jean-Sébastien Bach. S'il a appris la musique de maîtres allemands il
est allé complèter sa formation en Italie entre autre auprès de
Giovanni Gabrielli ce qui s'exprimera directement dans ses Madrigaux Italiens publiés à Venise, véritable cours d'écriture musicale en dix-huit leçons.
Heinrich
Schütz retournera en Allemagne à la mort du maître et il sera
rapidement appelé à la cour de Dresde pour remplir les tâches multiples
d'un Cappel meister[1].
Puis la guerre de trente ans bouleversera la vie du compositeur par un
rognement des crédits qui lui sont alloués, la musique n'étant plus
vraiment la priorité de son employeur.
C'est dans ce cadre qu'il va
s'attaquer aux petits concerts spirituels qui sont des petits bijoux de
dénuement et de simplicité. Ils sont écrits pour voix seules, entre une
et cinq, accompagnées simplement par une basse continue, traduisez par
un orgue. Les voix sont simples, peu d'ornements, les lignes mélodiques
épurées se détachent sobrement comme des pierres sculptées dans les
églises romanes; rien pour distraire l'attention de l'auditeur de la
piété profonde du compositeur, mais aucun ennui à condition, peut être,
de ne pas écouter les 55 pièces à la suite. L'ordre du catalogue, qui
n'est peut être pas celui de l'écriture, marque une progression,
d'abord les voix seules, puis les duos, les trios, etc, les voix aiguës
en premier, les graves ensuite.
Je suis toujours tenté découter ces pièces en ne faisant absolument rien d'autre, si possible dans une certaine pénombre pour me laisser pénétrer par ces voix. Il faut dire que l'enregistrement[2] que je possède a été fait dans un souci de reconstitution peut être un peu trop rigoureux; les voix aiguës sont chantées par des enfants, aucune fioriture, dans un pur esprit baroque de la réforme. J'ai l'impression alors de voir défiler des guirlandes de notes qui s'accrochent, s'enroulent, fusionnent, dansent pour dessiner les plus belles des mélodies. Je ne m'en lasse pas un seul instant. D'ailleurs, en ce moment, pendant que j'écris...
[1] Maître de chapelle, pour ceux qui ne comprennent pas le teuton.
[2] Solistes du Tölzer Knabenchors, direction Gerhard Schmidt-Gaden, enregistré en 1987et 1988, édité par Capriccio (Delta).