Couper court
Je ne parle que rarement de mon boulot, et le lieu ne se prête pas à un début d'épanchement. Par contre, mes activités syndicales se heurtent violemment aux réalités de la gestion humaine de mon entreprise, et ça fait mal. De ce côté là j'ai parfois besoin de déverser le trop plein d'émotion ou de rage ou de colère ou de désespoir.
Hier je suis allé accompagner une collègue à son entretien préalable à un licenciement, procédure qui est sensée permettre de prendre une décision alors que chacun sait qu'elle est déjà prise. Dans le cas qui m'intéresse, la personne accompagnée à passé la cinquantaine et les trente années d'entreprise; aucune évolution de carrière, brinquebalée au gré des rachats successifs jusqu'au dernier qui voit son poste supprimé avec un reclassement dans un métier qui n'a rien à voir avec le sien, sans perspective, sans changement de son salaire.
Alors bien sûr, si elle décide de porter son cas devant les tribunaux prudhommaux elle obtiendra réparation, une compensation financière. Mais qu'en sera-t-il de sa vie ? Qu'en sera-t-il du regard des autres ? Que restera-t-il de son amour propre au regard de la mention "pour incompétence" en face de la raison de son éviction après trente ans de bons et loyaux services ?
J'ai l'impression d'avoir devant mes yeux vu écraser la vie d'une personne, avoir vu tomber le couperet sur son cou et je n'arrive pas à m'en remettre.