Touché du doigt
René Barjavel y avait pensé quand il écrivait Le voyageur imprudent, dans sa description d'un monde très éloigné dans le temps, il y aura des mutations et des manipulations génétiques, les êtres humains ne ressembleront plus alors que de très loin à nous si jamais ils ont un avenir. Beaucoup plus tard le sculpteur César l'avait senti venir lorsqu'il glorifiait le pouce en reproduisant le sien à toutes les échelles, du tout petit au géant dont une copie trône à la Défense. Les jeunes d'aujourd'hui représentent la génération du doigt.
J'en veux pour preuve la petite scène dont j'ai été le spectateur attentif hier soir, dans ma rame de métro préférée.
Un jeune homme me faisait face; il tenait entre ses mains une console de jeux miniature, les deux pouces s'activant frénétiquement sur les touches latérales de l'engin. Aucune grimace, aucun changement sur le visage, la tête baissée il n'a de regard que pour le petit écran de sa console. Et puis, une pause. Vient il de passer un niveau ou vient il de perdre, il repose l'engin, fouille rapidement dans la sacoche qui occupe le dessus de ses genoux et en extrait rapidement un téléphone portable de la main droite. Avec le pouce il consulte les éventuels appels reçus ou les messages écrits, puis range l'objet, reprend la console et recommence.
Le petite va et vient entre les deux merveilles de la technologie a duré tout le long du trajet, soit une petite demie heure. J'ai assisté muet à l'épanouissement de l'Homo digitalus.