Secouez moi
Je ne pensais pas avoir un jour à vivre cette expérience. Tout à l'heure me rendant à notre nouvel appartement, j'ai pris ma ligne de métro abhorrée, la 13. Encombré d'un gros sac à dos je me mets dans un coin pour déranger le moins possible, puis sort mon journal. Quelques stations plus tard, en entrant dans l'une d'elle, j'entends un bruit assez fort, comme un coup de feu ou un fusible qui lâche, suivi d'un freinage brutal et une coupure totale de courant. je pensais à un incident technique, une pièce qui venais de casser, j'avais tort. Quelqu'un venait de passer sous les roues de ma voiture.
Les quelques personnes sur le quai regardaient la voie juste où je me trouvais. Une jeune femme s'est approchée d'une fenêtre ouverte pour signaler qu'elle était médecin et qu'elle était donc disponible si on avait besoin de ses services. Mais là où je suis resté pantois c'est quand j'ai vu une partie importante de mes compagnons de voyage se coller aux vitres, envahir le petit carré où je me trouvais, pour essayer de voir quelque chose. Et voir quoi ? Un morceau de bonhomme, une tache de sang ?
J'ai commencé à dire à une jeune femme me marchant sur les pieds qu'elle ferait peut être mieux de s'assoir, que enfermés dans la voiture il nous était impossible d'être de la moindre aide pour cette pauvre personne. J'ai été immédiatement insulté copieusement, me disant que j'étais complètement insensible voire, pire encore, complètement athée. Je l'ai rassurée de ce côté là mais, impossible d'en placer une pour lui expliquer que regarder un bras coupé sur une voie de chemin de fer n'était pas un signe de grande sensibilité.
Je l'ai ensuite entendu parler autour d'elle de cet affreux bonhomme, qui lisait son journal pendant qu'un être humain était peut être en train d'agoniser (c'est vrai je tenais un journal plié dans main; de là à le lire...).
J'ai eu dans le même temps deux pensées, une pour cette personne qui avait sans doute choisi cette fin atroce, essayant de comprendre ce qui peut là pousser à ce geste fatal et une autre pour les conducteurs de nos métros qui vivent ces événements. Je tire le chapeau au mien qui a su garder son sang froid, organisant à la fois les secours puis l'évacuation de la rame après l'arrivée des pompiers. Sensibles ou pas, j'espère qu'ils ont droit à un bon soutien psychologique.