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Ma vie, mon oeuvre
10 juillet 2010

Charcutage

- Bonjour monsieur Berlioz, votre chambre est bientôt prête, je viendrai vous chercher.
L'accueil est chaleureux; je n'aime pas les ambiances hospitalières et pourtant je suis presque heureux d'être ici, sans aucune angoisse, détendu. Peu après, on me présente ce qui pourrait être mon lit de souffrance mais seulement pour une courte durée; le service de chirurgie ambulatoire voit défiler les patients, ils ne sont pas censés rester. La chambre est lumineuse malgré le temps couvert, sans doute à cause de la fenêtre qui est de grande superficie et des murs couverts d'un papier peint jaune pâle qui fait office de soleil. L'infirmière donnant les instructions pose devant moi des serviettes en papier, deux gants de toilettes qui semblent de la même matière, trois petits flacons de plastique couleur rouille de Bétadine pour la douche, une tenue bleue marine très sexy car très transparente et dont la forme rend quasiment impossible la couverture du corps en entier.

Maintenant, j'attends. La douche est occupée par mon compagnon de chambre que je n'ai pas encore vu.
Il sortira peu après. Plus âgé, il semble déjà un habitué des lieux et me donnera quelques conseils pour la suite des événements.

Apprêté, propre de deux douches successives, je m'assois sur le lit, mon volume deux des œuvres de Conrad dans l'édition de la Pleïade en main. "Le plus dur, c'est l'attente" dit mon voisin. Dans la minute qui suit on vient le chercher.

A partir de là, le temps s'est écoulé lentement; très lentement. J'ai fini la nouvelle commencée, j'ai entièrement lu "Typhon", je commence la nouvelle suivante sans trop de motivation. Mon voisin revient avec un pansement impressionnant autour de la tête mais toujours aussi affable. On le met au lit, on lui apporte une collation. Il est plus de midi, je n'ai pas mangé depuis la veille au soir et le parfum de son chocolat chaud me torture les narines. Je me mets à saliver. Je demande aux brancardiers des nouvelles de mon sort. Vous êtes prévu à onze heures; il doit y avoir du retard. C'est le moins qu'on puisse dire.

Treize heures, c'est mon tour. Les brancardiers, dont un me semble très jeune, peut être encore étudiant, vérifie mon bracelet en plastique, contrôlent ma date de naissance et c'est parti pour un voyage en ascenseur. Je croyais que ceux de service étaient réservés à ce genre de transport, il n'en est rien. Nous croiserons des infirmières, un livreur qui devra attendre son tour et d'autres brancards en transit. Finalement, arrivé dans les sous sols c'est un autre brancardier qui me prend en charge en traversant un sas. Chacun son domaine.

Je n'ai pas l'habitude de me déplacer dans une position horizontale, du coup l'angoisse monte un peu. je ne sais pas où je vais. Enfin, je rentre au bloc. La grande lampe orientable suspendu au plafond, avec sa lentille de Fresnel semble déjà éclairer le théâtre des opérations. Je glisse alors vers le billard. Et c'est tout à coup l'effervescence; le chirurgien vient me saluer, l'infirmière se dépêche de placer les instruments, de fixer les électrodes de l'électrocardioscope, l'anesthésiste qui n'est pas celui que j'ai vu lors de la consultation vient aussi se présenter et commence l'installation de la perfusion. Il s'y prendra à deux fois car une veine claque. Je n'ai pas de veine. Ça va tourner un petit peu, me dit il, puis il me place un masque à oxygène sur le nez. En effet, ça tourne, comme avant un malaise.

La phrase suivante sera : "Vous êtes réveillé ? Ouvrez les yeux", puis la sensation qu'on retire quelque chose de ma bouche.

Je suis en salle de réveil, à peine groggy. Je ne sens rien. Même après avoir repris complètement conscience. A tel point que je me demande si on m'a fait quelque chose. Et puis c'est le retour dans la chambre où mon compagnon d'infortune est encore là, avec de la famille. Il va bientôt partir. Et je vais encore devoir attendre les trois heures réglementaire pour en faire autant. Une infirmière vient vérifier mes pansements. Le travail a donc bien été fait.

Quand ma douce sortira avec moi après être venue me chercher, ça fera près de douze heure que je suis rentré. Je me sens un autre homme.

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Commentaires
K
La greffe de cerveau semble s'être bien passée. Au moins tu n'a pas perdu de ta verve scripturale.
A
Merci pour ton précieux témoignage sur cette intervention. Notre décision est pratiquement prise. Heureuse que tout se soit bien passé pour toi. On se tient au courant. (encore un beau billet, on est vraiment dedans).
B
Lilou> Le souvenir n'est pas trop ancien, il n'a qu'une semaine. Mais, c'est assez nouveau pour moi, le dernier passage sur une table d'opération remontant à... 1973.<br /> <br /> Canthilde> On m'a enfin mis un cerveau !
C
"Un autre homme" : quelle pièce t'a-t-on changé ? ;-)
L
C'est drôle, justement ce matin je pensai à toi en me disant, le voilà bien silencieux....vacances, abandon de l'espace toile, déménagement ou bien un peu de tout.<br /> <br /> Je te souhaite un prompt rétablissement, si ce n'est déjà peut être qu'un vieux souvenir pour toi.<br /> <br /> des bisous l'ami sous un soleil trop, trop, trop chaud
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