La parole est d'argent

14 juillet 2010

Ma contribution à la note de Joye.

Pourquoi parlait elle tout le temps ? Impossible d'interrompre le flot de paroles, pas moyen d'endiguer la rivière de mots sortant de cette bouche à peine entrouverte. Se boucher les oreilles ? Ce n'est pas poli; pas dans mon éducation. J'ai bien tenté à plusieurs reprises de faire un signe, lever la main, ouvrir la bouche, émettre un faible son mais, rien à faire,une fois partie sur sa lancée, plus d'arrêt jusqu'à la fin des temps.

D'habitude je suis plutôt patient; je laisse discourir sachant qu'à un moment ou un autre, parce que ça lui donne soif, parce qu'elle a autre chose à faire, parce qu'on l'attend quelque part elle finit par fermer son clapet, même un court instant, ce qui permet d'enfin prendre part à la conversation, d'apporter un argument, de passer à un autre sujet ou plus simplement de prendre congé. Mais pas là, pas ce jour là, pas ce moment là. J'avais renversé mon café sur ma chemise propre, la voiture n'avait pas voulu démarrer en moins d'une demi-heure, un pneu avait crevé cinq cents mètres plus loin m'obligeant à rentrer à pieds, la loi de l'emmerdement maximum m'avait porté sur les nerfs. Alors son babil incessant avait fait déborder le vase. Et puis la pelle était à portée de ma main, c'était tentant. Juste un coup de pelle; un petit coup de pelle et le silence qui revient. Vous ne pouvez pas savoir comme c'est bon le silence qui revient, comme une gorgée d'eau fraiche dans la torpeur d'un jour d'été torride ou un panneau indicateur sur une route inconnue et déserte.

Que vouliez vous que j'en fasse ensuite, on n'allait pas gâcher. Je l'ai donnée à bouffer aux cochons. C'est toujours ça de moins à acheter pour les faire grossir. Et puis c'est naturel au moins. Mais je n'avais pas pensé qu'ils ne mangeraient pas les lunettes.

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