L'arroseur à rosser
J'aurais voulu vous écrire un fabliau, un joli petit conte rimé, mais le talent me manque et je vais me contenter de vous narrer ce que j'ai pu voir avec des mots communs, des phrases toutes bêtes, sujet, verbe, complément, et tant pis pour les vers de mirliton.
Il était une fois un brave petit gars qui prenait le métro dans une rame bondée, comme elle l'est en permanence sur la ligne 13. Ce brave petit gars ne fait de mal à personne, il est entier dans ses pensées, ou il lit un livre ou encore, il fait les mots croisés de son quotidien payant, à moins qu'il ne l'ai ramassé sur un siège lors d'un trajet précédent. Il n'a même pas la prétention de vouloir occuper une place assise et ignore superbement toutes ces personnes à l'égoïsme apparent qui restent plantées, comme des insectes à leur planche de liège, sur leur strapontin alors que la foule autour d'eux est compacte et avide de l'air qu'ils gardent pour eux seuls.
Quand notre brave petit gars arriva plus tard à sa station, encore tout grisé de ses pensées ou de sa lecture, à moins que ce ne soit du plaisir d'avoir réussi la grille dans laquelle il s'était lancé, il ne vit pas le grand gars qui était resté planté sur son strapontin et qui, la place se libérant vers la fin de la ligne, avait étendu ses jambes jusqu'à plus de la moitié de l'espace en face de lui; il ne vit pas le gars, il ne vit pas les jambes et trébucha manquant s'étaler de tout son long sur le quai de béton.
Et que croyez vous qu'il arriva ? C'est lui qu'on insulta !