C'est le bouquet! - Allegro ma non troppo
Rachida est belle et elle le sait.
Sa fine corpulence, ses longs
cheveux, sa peau au teint mat et ses arrondis bien placés lui ont déja
valu des sifflets à faire se retourner les morts; et ce depuis le début
de son adolescence.
Elle a donc appris depuis longtemps à ignorer de
tels hommages tout en vérifiant régulièrement que son charme continuait
à opérer. Et de son charme, elle en use. Elle sait bien que vendre ne
se fait pas qu'en vantant la qualité des produits qu'elle propose mais
qu'agit aussi cette étrange relation de séduction qu'aucun des
participants n'ignore être factice.
Cette journée commence bien pour elle, elle a un rendez-vous prometteur en chiffre de vente, donc en revenu suplémentaire pour la fin de son mois; et elle l'attend avec impatience la fin de son mois; c'est qu'elle a de gros besoins, en garde robe comme en distractions, spectacles et voyages; le paraître, encore le paraître, toujours le paraître.
La matinée se passe bien, une bonne vente à la clef; son client l'invite, en plus, dans un bon restaurant; d'habitude, c'est le contraire, c'est elle qui invite. Et puis, il y a eu ça. Pourquoi gâcher un moment aussi agréable ? Il a fallut qu'il confonde et lui offre un bouquet; des roses de surcroît. Elle a souri mais ça bouillonnait en elle. Pourquoi ce geste stupide ? Pourquoi cette confusion des genres ? Maintenant, elle se sent obligée de sourire béatement, de faire semblant, de jouer un rôle qui ne lui convient pas. Tout est gâché.
Elle repart avec son bouquet à la main. Elle voudrait le jeter mais n'ose pas. Alors, quand sur le quai du métropolitain elle aperçoit Etienne qui attend sa rame, sans hésiter elle court vers lui. Prenant son plus beau sourire, elle lui tend le bouquet de roses rouges et jaunes en disant "cadeau!".