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Ma vie, mon oeuvre
9 octobre 2006

Plus jamais ça

Gros travail et petits tracas techniques m'empêchent de venir vous lire aussi souvent que je voudrais, m'empêchent de vous écrire tout ce que je voudrais. Je voulais vous parler de mon dernier film visionné et qui m'a chamboulé de plaisir, mais j'ai décidé de remettre à plus tard, un petit péché de procrastination. Il se trouve que j'ai eu une petite lecture que j'ai décidé de vous faire partagé, avant qu'il ne soit trop tard.

Mesdames, messieurs, mes ambitieux camarades,
"ceux qui ne veulent pas la rupture avec le capitalisme ne peuvent pas se dire socialistes!" Cette condamnation proférée avec la force de conviction d'un converti de fraîche date, fut prononcée par François Mitterrand alors qu'il venait d'adhérer au parti Socialiste pour en prendre la direction. Les professions de foi des leaders politiques, en effet, n'ont souvent qu'une durée de vie assez brève et, avant lui, Edgar Faure qui savait si bien se servir de sa belle collection de convictions pour en changer souvent, s'en justifiait auprès de ceux qui le traitaient de girouette en expliquant que ce n'était pas la girouette qui changeait mais le vent. Certains retournements de veste sont ainsi donnés comme seul moyen de faire face aux vents de la vie réelle quand ils tournent. Je ne pense pas que la politique du bouchon sur la vague qui se laisse aller vers où le mènent les flots ait été ce que voulait dire Lénine quand il incitait à ne pas manquer l'analyse concrète de la situation concrète mais plutôt pour mieux la connaître afin de se donner les moyens de la changer. La résignation n'a jamais été une attitude de gauche et beaucoup d'entre nous ont appris dès qu'ils ont commencé à sucer le lait amer de la politique, que si l'on voulait faire progresser ses idées, il était plus sûr de voter pour ces idées que pour une personne qui peut changer d'idée comme on change de chemise, quel que soit le charme de certaines quand elles se trouvent entre deux chemises. Dans la situation où nous sommes, qui génère tant de misères et cause tant de souffrances, la la compassion de suffit pas et la fonction politique n'est pas de faire la charité ni d'adoucir ces souffrances qui éclatent à chaque coin de rue en la saupoudrant de quelques poignées d'aspartam. Même s'il est légitime de chercher à soulager le malade, la compassion ne suffit pas. Les sédatifs soulagent des douleurs pour un temps mais ne guérissent pas su cancer. Il est certes bon d'identifier les symptômes mais que ce soit pour mieux asseoir le diagnostique et prescrire la thérapie qui permettra de chasser la maladie.

Quand on change de constitution, l'expérience montre qu'on est tenté d'en élaborer une nouvelle qu'on aimera situer à l'opposé de la précédente. Quand le coup d'Etat gaulliste de 1958 fabrique la V° République, il suit l'usage et change les r_gles du jeu en substituant aux excès et impuissances de la politique des partis, les excès et impuissances de la politique des particuliers. Les électeurs furent alors invités à voter non pour une politique plutôt qu'une autre, mais pour ce brave M. Untel ou contre cette mauvaise Mme Unetelle privilégiant la psychologie plutôt que la politique, et les caractères au détriment des idées, c'est à dire de la politique. Le paradigme de ces nouveaux critères apparaît clairement dans l'élection du Président de la République au suffrage universel. La conséquence de la prime médiatique donnée à l'apparence c'est de rendre les élus plus fragiles à la tentation qui séduisait déjà leur égo de personnaliser leur rôle et de se la jouer plus comme des personnages de théâtre que comme des citoyens au service d'autres citoyens. Or, le vote de 2007 n'a pas pour but, pensez-y, d'assurer le triomphe de la Grande Diva, ni d'élire le meilleur espoir féminin qu'on fêterait au cours d'une cérémonie des Césars qu'animerait Bataille et Fontaine, les deux animateurs les plus laids du Paf, mais il doit choisir la femme ou l'homme responsable pendant cinq ans de la politique de la République.

Pour les femmes et les hommes de gauche, ce dernier quart de siècle est difficile à vivre parce qu'il leur fit perdre l'illusion qu'ils pouvaient avoir de peser d'une manière ou d'une autre sur leur devenir. Ils votaient pour un candidat dont ils approuvaient le programme ou pour celui dont ils appréciaient les professions de foi et s'il était élu c'était comme s'ils avaient flûté dans un tambour, il appliquait une politique, à quelques détails près, identique à celle de ses prédécesseurs, disant que ça n'était pas par trahison mais à cause de l'actuel état du monde ou n'importe quelle autre faribole. Ces vingt-cinq années furent une interminable alternance d'espérance déçue et de colère rentrée dont toute la gauche demeure meurtrie et douloureusement sceptique sur la fiabilité de ses dirigeants qui prétendent être victimes de la fatalité, comme les collabos de 1940 qui prétendaient qu'il n'y avait pas d'autres moyens de sauver la France que de la soumettre à l'Allemagne Nazie qui avait définitivement gagné la guerre. Il serait tout aussi aventureux d'avancer que le capitalisme de la concurrence libre et non faussée que le peuple français à repoussé l'année dernière par son "non" au référendum, a définitivement gagné la lutte de classe et qu'il ne nous restait plus qu'à marchander quelques détails pour tenter de rendre peut être un peu moins inexorable une chaudière emballée fabricant plus de déchets que de chaleur.

Mesdames, Messieurs, mes ambitieux camarades qui voudriez bien diriger le pays l'année prochaine, sachez que nous ne voulons plus de dames patronnesses dispensatrices de bonnes paroles émollientes, ni d'anciens révolutionnaires à la réforme voulant se faire pardonner leurs vieux péchés de jeunesse, de carriéristes qui pensent pouvoir mieux que les capitalistes gérer le capitalisme, de ces politiciens qui veulent qu'on les aime et cherchent à convaincre ceux qu'ils devraient combattre. Il faut que vous compreniez que vous avez trop tiré sur la corde et que vous ne nous mènerez plus en bateau mais aussi que nous naviguons sur une sorte de lac Erié et que déjà nous entendons tout près le mugissement des chutes du Niagara vers lesquelles le courant nous emporte. Nous n'avons plus beaucoup de temps devant nous, plus le temps de tergiverses, plus le temps de remettre à la prochaine. Dans quelques mois, dans quelques heures, si nous refusons le vrai combat, nous serons précipités dans une civilisation qui nous est terriblement étrangère, loin de la civilisation solidaire que nous tentons de construire avec plus ou moins de succès depuis plus de deux cents ans, dans les tourbillons de la civilisation concurrentielle intégrale et intégriste, où notre voisin ne sera plus notre frère mais notre rival, notre ennemi que nous devrons vaincre et détruire ou être détruit par lui.

Bernard G. Landry

Je n'ai pas demandé l'autorisation à l'auteur qui a publié ce texte dans la Revue Commune numéro 42 du mois de décembre 2006, mais je sais, et je le connais bien, qu'il n'aurait rien contre.

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Commentaires
R
Eh bien voilà, je découvre, ENFIN, ce texte auquel tu avais fait référence, en comm, chez moi... et il est excessivent représentatif de ce que je ressens ! Evidemment, il n'est pas d'un optimisme follichon (le moins que l'on ne puisse dire, même) mais terriblement bien vu.<br /> Me permettrais-tu d'en faire un post, avec le lien vers chez toi, bien évidemment ?
L
tu sais berlioz en 2002 j'ai prefèré un bulletin blanc plutôt que de choisir entre 2 candidats qui me semblait aussi dangeureux l'un que l'autre.<br /> <br /> En 2007 je ne sais même si j'irai tant je suis convaincu que c'est bonnet blanc et blanc bonnet.<br /> <br /> Le tunnel ne m'a jamais semblée aussi long et noir.<br /> <br /> C'est un vaste foutage de gueule dont nous ferons malheureusement les frais.<br /> <br /> Espoir, desespoir, je vacille entre l'un et l'autre, mais surtout je me pose la question de qu'elle demain pour mon A.P.<br /> <br /> Sur ce com très optimiste je te souhaite une bonne nuit.
J
P.-S. : Bon courage pour cette période chargée !
J
C'est chouette de nous avoir mis cela, Berlioz, et surtout très intéressant de lire cela et d'essayer de le comprendre...
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