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Ma vie, mon oeuvre
27 janvier 2007

Le retour de la vengeance 2

Il était une fois un jeune berger qui chaque jour prenait soin de son troupeau de brebis, seul revenu permettant de le nourrir, lui et sa famille. Pas question de perdre une tête, un chien venant l'aider à garder ses protégées des bêtes sauvages et d'autres prédateurs. C'est pourquoi, voyant une de ses plus grasses s'éloigner du reste du troupeau et se perdre à sa vue, il parti aussitôt à sa recherche, confiant la garde des autres bêtes à sa jeune sœur. Il maugréa contre le sort qui semblait s'acharner contre lui quand il se rendit compte que la drôlesse avait fuit les prairies verdoyantes pour aller chercher refuge dans la forêt, si sombre que certains dans le village la disait hantée.

Prenant son courage à demain et en pensant au manque à gagner si la bête n'était pas retrouvée, il pénétra entre les arbres, non sans déglutir fortement ni rentrer la tête dans les épaules. Les gros arbres, dont la cime se perdait dans une masse de feuilles si haute qu'on ne les distinguait plus, l'accueillirent par un murmure semblant désapprobateur qui fit frissonner notre héros. Il erra quelques temps entre les arbres, appelant sa brebis le plus tendrement possible, essayant de l'attirer par une promesse de caresses et de gourmandises. Après quelques temps, fatigué d'un tel effort, il s'assit au pied d'un arbre, s'appuyant le dos contre le tronc large et confortable, et sortit, pour tuer le temps, un petit couteau rustique. Avisant quelques os épars, il entreprit d'en tailler un, un fémur lui sembla-t-il, pour en faire une flute.

Après avoir fini de percer les ouvertures, il voulut tester son instrument de musique. Il souffla dans la flute en bougeant ses doigts au dessus des trous et quelle n'en fut pas son ébahissement lorsqu'au lieu de la musique attendue il entendit une voix qui disait: "Il était une fois deux frères qui, depuis leur plus petite enfance, partageait tout et faisaient tout ensemble..."

Subjugué par le récit, il oublia le temps qui passait pour découvrir les aventures des deux frères jusqu'à l'horrible fratricide; il ressorti de la forêt sans sa brebis et couru au village faire part du phénomène aux vieux sages et au bourgmestre. Le verdict fut unanime, il fallait parcourir le pays pour faire écouter cette histoire extraordinaire. Ainsi, notre berger promu représentant du village alla de village en village, de bourg en bourg, de ville en ville, jouant racontant son histoire de frères si surprenante.

La notoriété du berger vint aux oreilles de quelques puissants qui le firent venir à la cour. Depuis quelques années le vieux Roi était mort et sa fille lui avait succédé, son époux étant reconnu pour sa sagesse et son sens de la justice. Les fêtes du jubilé semblaient être la meilleure période pour faire paraitre le musicien prodige, le spectacle dont tout le monde parlait.

Le grand banquet battait son plein, des musiciens, des jongleurs, des dresseurs d'ours se succédaient au centre des tables. Un ballet continuel de serviteurs apportaient à tout moment des cochons rôtis, des perdrix rhabillées de leurs plumes, des broches entières où roussissaient encore cinq ou six poulets, des cygnes dans leur parure blanche, des courges cuites entières et contenant d'autre légumes mitonnés, des flacons de vin, des outres d'eau. Les desserts attendraient, le joueur de flute ferait l'entre mets.

Il parait, chausses rouge, pourpoint rouge et, bien au centre du cercle des convives, commence à jouer raconter l'histoire de Hans et Johann. Au fur et à mesure que l'histoire avance, le Roi pâli et se crispe. C'est son histoire que l'on raconte là et sa cour commence à l'y reconnaitre, à le montrer du doigt, à crier à l'usurpateur, au criminel. Tous réclament justice pour le défunt.

Le Roi sera destitué, chassé du trône et du royaume; on le verra longtemps errer le long des chemins, couvert de poussière et de remord. Et, à qui passerait à côté de la forêt lointaine et sombre, il semblera entendre le long mugissement du fantôme de Hans.

Cette histoire, si elle n'est pas de moi, est racontée avec mes mots. Elle a servi, en version courte,  d'introduction à des concerts de flute que j'ai pu donner avec des amies. C'est à l'origine un conte des frères Grimm que Mahler a utilisé pour son Das klagende Lied.

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Commentaires
Z
C'est un joli conte, j'aime beaucoup !<br /> <br /> Je connais la chanson du troupiau aussi, cest vieux... :)
J
:-)
B
Joye> Oui, moi aussi j'ai chanté ça naguère, dans ma salle de bain parisienne...
J
C'est ravissant et joliment raconté, Berlioz !!!<br /> Au début de la deuxième partie, je me chantais :<br /> <br /> Quand j'étais chez mon pière<br /> Apprenti pastiouraux<br /> On m'a mis dans la Lande<br /> Pour garder des troupiaux<br /> <br /> Troupiaux, troupiaux,<br /> Je n'en avais guère<br /> Troupiaux, troupiaux,<br /> Je n'en avais biaux...<br /> <br /> Tu connais ?
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