Le chemin le plus rapide
Je ne l'aurais sans doute pas remarquée si elle n'avait pas, après être entrée dans la rame discrètement, envoyé sa fille s'assoir le verbe haut et le geste ample. Mais ensuite, elle resta là, sans bouger, marmonnant, scrutant l'escalier avec de temps en temps un "Mais qu'est-ce qu'il fait" assez agressif.
Plus le temps passait, plus je la sentais inquiète et en colère. Quel était le malheureux individu qui se permettait d'être en retard à ce point ? Et puis, si le rendez vous était aussi important, pourquoi ne pas attendre sur le quai. Après tout, nous étions au terminus, les rames arrivent vides et attendent un peu avant de repartir. Mais non, elle grognait de plus en plus, comme si c'était le voyage de sa vie et qu'une personne risquait de l'empêcher.
La sonnerie caractéristique de l'annonce du départ imminent se fit entendre. Les portes se fermèrent au moment même où un petit garçon faisait son apparition au bas des marches. A la vue du métro prenant son élan sans lui, de sa mère de l'autre côté de la porte, vitupérant, il se mit à pleurer. "Ah, tu peux pleurer, je vais te taper, tu vas voir" durent être les derniers mots qu'il entendit.
A la station suivant, elle et sa fille descendirent, sans doute pour rebrousser chemin et aller retrouver la brebis égarée. Elle aurait attendu sur le quai, scrutant l'escalier et guettant l'enfant, voire allant à sa rencontre pour l'aider à descendre, rien de tout cela ne serait arrivé; au pire, ils auraient pris ensemble la rame suivante. Je crains que les fesses du petit garçon n'eurent à payer cette leçon.