Le rasoir d'eau calme
Il y a des choses qu'il faut éviter de faire en même temps, comme prendre son bain et changer une ampoule électrique, lire son journal et traverser la place de la concorde à l'heure de pointe, se raser et écouter jean-Marc Sylvestre sur France Inter. C'est pourtant cette dernière règle que j'ai enfreint ce matin, risquant l'estafilade sur la joue droite.
Il faut dire qu'en ce moment c'est la joie pour le chroniqueur boursier qui doit bander à longueur de journée en entendant les propositions du gouvernement. La baisse de la part patronale des cotisations sociales et l'augmentation substantielle de la TVA pour la financer ne peuvent que lui plaire; car, à la différence des politiques au pouvoir, appelons un chat un chat. Si on veut baisser le cout du travail, soit on augmente le travail effectué pendant sa durée légale, soit on augmente cette durée, soit on baisse la rémunération de celle ci. En une seule phrase, baisser le cout du travail se fait en baissant les salaires, d'une manière ou d'une autre (faut il le rappeler encore une fois, ce qu'on appelle aujourd'hui les charges sociales ne sont que les cotisations aux différentes caisses mutuelles de retraites et de sécurité sociale, c'est donc du salaire indirect). Vouloir compenser cette diminution par l'augmentation de l'impôt le plus injuste, puisque lié à la consommation des personnes et non pas à leurs revenus, c'est encore une fois demander aux simples personnes que nous sommes de payer à la place de quelques riches. Cadeaux à quelques uns, main à la poche pour tous les autres, ce n'est pas nouveau, mais à une telle échelle ça ne s'était pas encore vu.
Alors, revenons à lui, lorsque mon chroniqueur préféré a ajouté qu'après tout, nous payions tous des charges sociales, nous pouvions bien tous payer plus de TVA, mon corps a eu un soubresaut qui aurait pu lui être fatal. Car il a juste omis de dire que nos cotisations étaient proportionnelles à nos revenus donc, plus nous en payons, plus il nous reste de salaire pour finir le mois, alors que la TVA est proportionnelle à nos achats, certains étant incompressibles, comme la nourriture, les vêtements, le logement ou l'énergie. Sur quoi les ménages les plus modestes vont ils pouvoir réduire leur facture ?
Méfions nous des journalistes qui sont aujourd'hui main dans la main avec les politiques au pouvoir, il vous mentent avec un vocabulaire trompeur. "Baisse des charges" veut dire "baisse des salaires" et "TVA sociale" veut dire "ponction des ménages sans distinction de revenu". Maintenant, vous êtes prévenus.