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Ma vie, mon oeuvre
6 juin 2005

Jamais deux sans trois

C'est le téléphone qui m'a tiré du sommeil. Sa sonnerie aigrelette et répétée a eu raison de mes derniers liens avec Morphée.
J'extrais mon bras avec difficulté, tends la main vers le combiné, le cherchant à tâtons et finis par décrocher.
- Allllllllo....(voix pâteuse).
- C'est ton père.
- Ah? bonjour, comme vas tu ?
- Ça ne va pas, ta soeur a fait une connerie! Elle est en réanimation au centre anti poison. Nous t'y retrouvons.
CLAC.
Qu'est-ce qui a fait le plus de bruit du combiné reposé sans ménagement ou de la claque reçue au cerveau ?
J'essaie de digérer l'information. Je sais ce qu'elle a fait, elle m'en avait parlé, sans donner de détails.

Deux semaines avant, sans nouvelles de tout un week-end, j'avais débarqué chez elle, secouant la propriétaire de l'appartement pour y avoir accès, persuadé que j'allais retrouver son corps endormi à jamais sur son lit. Le soir, lui racontant l'aventure, calmé par son dénouement, elle m'avait dit que c'était rassurant, qu'on ne la découvrirait pas grâce à l'odeur. J'avais ri, soulagé de la retrouver détendue, en forme, presque joyeuse.

Je suis parti errer dans Paris baignée de soleil et de chaleur, sans but, assomé d'angoisse et d'espoir. Et même, pour essayer d'effacer la nouvelle, de conjurer le sort, je suis allé au cinéma. Je pourrais vous dire le titre, raconter l'histoire, ma mémoire en est capable; je n'en ai même pas honte, même si je ne l'ai jamais dit avant, surtout pas à mes parents qui auraient été incapables de comprendre. En les retrouvant, j'ai dit que j'avais marché sans but, sans notion d'heure, ce qui, finalement, était presque vrai.

J'ai alors vu les médecins; j'ai alors appris les détails, un arrêt cardiaque de vingt minutes; j'ai alors vu mes parents perdre la raison, mon père dire "Sauvez ma fille, même si elle doit être un légume". Le médecin "Les statistiques montrent qu'aucun patient ayant absorbé plus de quatre grammes de *** ne s'en est sorti. Elle en a pris dix grammes". Elle ne voulait pas se rater.

Ont suivis quatre jours d'agonie, quatre jours à attendre, à espérer le miracle, à souhaiter qu'il n'ai pas lieu. Comment imaginer mes parents passant le restant de leurs jours à côté d'une personne incapable du moindre geste quotidien; comment les imaginer face à leur culpabilité vivante et muette ?

Et puis, il y eut cet appel nocturne de mon frère, le ramassage en voiture, la route vers l'hôpital de Montreuil, l'attente dans un couloir asseptisé et, enfin, mes yeux ont trouvé les larmes.

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Commentaires
B
j'arrive un peu apres la guerre mais je laisse un commentaire quand meme. je compatis a ce que tu peux ressentir. je crois que le pire dans ces cas là et dont on a beaucoup de mal a se défaire, c'est "pourquoi ce geste ?"<br /> biz et "bon courage"
E
je pense à toi...
L
je t'envoie la douceur de mes silences<br /> un jour peut etre moi aussi je parlerai de ce que j'ai vécu,de plus loin que toi c'est vrai,il y a des années<br /> pour l'instant... <br /> bises du bout des plumes
C
Je reviens ici après plusieurs jours d'absence. Et je découvre ce que tu m'avais parfois évoqué, sans jamais te dévoiler. Aujourd'hui, je comprend. Tes hésitations, tes doutes pour écrire cette note aujourd'hui.<br /> Toute mon amitié, Berlioz.
V
Syl> Cela va faire bientôt quinze ans, il serait temps que je me débarasse de ce fantôme.<br /> Zoukette> ce serait avec plaisir si j'avais le droit... Merci d'avoir pensé à moi.<br /> Mymy,Olivier,Nam-nam> Votre silence fait du bien aussi. Il est plein de sens.<br /> Ailes> Cela fait plusieurs mois que j'y pense, en fait, depuis l'ouverture de ce blog. J'y vas, j'y vas pas, j'ai fini par y aller. Pleins de bises à toi aussi.
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