Ah, quel bonheur d'être un voyageur
Qui n'a jamais voyagé en train lors d'une grande migration estivale ne connais pas les affres du lecteur assidu ou du demandeur de repos. Il faut toujours qu'il y ait un enfant quelque part qui pleure, crie ou fasse le singe sous les remarques molles et inefficaces de ses parents qui ont depuis longtemps laissé tombé leur désir d'éducation à son égard. Mon trajet vers les départs de randonnées montagnardes n'a pas échappé à cette règle.
Juste en diagonale, dans l'espace où les sièges orientés vers l'avant du train joignent ceux orientés vers son arrière, il y avait une petite famille composée des parents et de deux petits garçons que je jaugerais entre quatre et six ans. Bien sûr aujourd'hui, ère de modernité et de technologie oblige, les parents avaient prévu un appareil permettant de visionner des films sur un petit écran. Mais voilà, il n'était pas assez grand pour bien voir à deux, surtout quand chacun brigue le droit de l'avoir pour lui seul, le grand avançant les arguments les plus frappants pour convaincre l'autre. Et puis, un film ça ne fait pas un trajet entier; et puis un enfant de cet âge ne reste pas concentré sur ce qu'il fait très longtemps, il faut varier les activités et pour ça, il faut des parents ayant un peu prévu la chose; et puis un enfant ça a faim et soif et encore faut il avoir pensé à l'éventualité de les nourrir.
Bien sûr dans cette situation on trouve madame essayant de raccommoder les enfants entre eux, faire passer les films de l'un à l'autre, occuper son monde pendant que monsieur râle et prétend être déjà en vacances, c'est à dire ne pas en faire une ramée.
Donc ça crie, ça braille, ça gueule, pas moyen d'aligner trois phrases d'un livre à la suite.
Heureusement, il y a la parade du bon voyageur, le changement de train.
Après avoir astucieusement déjoué le piège de la voiture à la porte ne s'ouvrant pas en passant par celle d'à côté, après avoir attendu dans une ambiance surchauffée parce que, étant à l'arrêt et au soleil il n'y avait pas moyen de trouver la moindre fraîcheur, parce que retardé pour assurer des correspondances avec des trains n'arrivant pas, enfin nous goûtons un calme retrouvé, nous voyons alors entrer dans notre voiture et s'installer à deux sièges de nous la même petite famille qui, sans doute pour ruser, avait attendu le départ et notre éloignement plus difficile pour faire exprès de s'installer à nos côtés. Pour notre bonheur, excédé d'entendre son fils le plus jeune lui demander de l'eau, le père lui à flanqué une bonne rouste ce qui a permis d'emplir la voiture de cris stridents, ceux du fils qui n'avait pas grand chose à se reprocher, ceux de la mère qui avait bien raison.
Enfin, après une heure interminable nous avons pu descendre de notre train, récupérer une automobile nous assurant l'autonomie dans nos recherches d'escapades alpestres, puis aller rejoindre notre lieu de villégiature sur les hauteurs. Me croirez vous si je vous dis qu'allant faire les courses dans la grande surface de la ville la plus proche, au détour du rayon frais, j'ai recroisé les mêmes lascars s'interpellant d'un chariot à un autre ?
Cette fois ci, nous avons ri, mais sommes allés rejoindre le coin opposé du magasin par mesure de précaution.